SIHH 2002
Rêveries d'un promeneur solitaire
(première partie)


 

Pour ma première visite au Salon International de la Haute Horlogerie de Genève, j'avoue que j'ai été saisi par le contraste avec la foire de Bâle, à laquelle j'avais assistée les deux dernières années. Ici l'atmosphère est feutrée, la sécurité discrète, les hôtesses charmantes et la restauration gratuite (ce qui, lorsque l'on passe sa journée à piétiner devant des vitrines, finit par avoir son importance - on apprécie bien mieux la haute horlogerie une coupe de champagne à la main !).
Luxe, calme et volupté : Toute la différence entre une foire et un salon...

Comme chaque belle médaille à son revers, je n'ai pu obtenir qu'une seule invitation. Cette année, pas de joyeuse virée suisse avec la bande de Chronomania, juste une promenade solitaire au milieu des belles tocantes et des costumes anthracites.

Avec ma petite carte de webmestre, je m'attendais à un accueil des plus méfiants; il fut des plus chaleureux, y compris chez les fabricants avec lesquels je n'avais pas eu le temps de prendre rendez-vous. Une heureuse surprise donc.
Deux demies journées bien remplies n'ont pas suffit à faire le tour de tous les stand. Aussi je vous propose une promenade genevoise un peu désordonnée et sûrement très partiale.


Ne cherchez pas, je suis le seul type en jeans dans tout le salon...








Premier rendez-vous chez Jaeger Lecoultre, où, comme toujours, je suis très aimablement reçu par les gens du service de presse.








Deux grandes nouveautés cette année chez Jaeger, et d'abord, la Reverso Septantième, une série limitée (platine ou or rose) lancée pour le soixante-dixième anniversaire de la Reverso.
Pour l'occasion, la boîte de la Reverso passe à la taille supérieure, ou XGT...

Mais cette prise de muscle n'est pas justifiée que par un effet de mode, car la Reverso Septantième, dessinée par Janek Deleskiewicz, abrite un nouveau calibre (le 879, en or rose, 28 800 alt/h) qui, en échange de 50 tours de couronne, assure une réserve de marche de 8 jours !
Il fallait bien loger le double barillet quelque part... Le mouvement n'a pas de butée, mais, comme sur les montres automatiques, une bride glissante qui absorbe l'excès de remontage.

La Septantième offre, très logiquement, un indicateur de réserve de marche, une indication jour/nuit (de plus en plus fréquente sur les Reverso, puisqu'on la trouvera désormais, en plus de la duoface or gris, sur la Reverso date) et une grande date (deux disque tournants) particulièrement lisible (qu'on aimerait retrouver bientôt dans un modèle de grande série).

A 36500 € en or rose et 49900 € en platine, cette Reverso reste un modèle très exclusif, mais on sait que par le passé, les complications en série limitée ont souvent inspiré des modèles de la gamme courante (comme le chrono sport). Patience ?
En tout cas la montre est superbe. Très imposante, mais toujours très élégante, avec son cadran guilloché et son magnifique mouvement visible à travers le fond transparent (désolé, je n'ai pas encore de photo).

L'autre grande nouveauté (oui, elle est vraiment grande, 41,5mm !), c'est la Master Compressor Memovox, une montre réveil automatique étanche à 100m (dont le fond gravé commémore l'expédition du sous-marin nucléaire américain Nautilus qui en 1958 a relié le Pacifique à l'Atlantique via le pôle Nord. A l'époque, le commandant du Nautilus avait reçu du gouvernement de Genève une JLC Géophysics).

Comme souvent, la Compressor est bien plus impressionnante -et bien plus belle- "en vrai" qu'en photo. Bien sûr, ce n'est pas une tocante pour les poignets de poulet  : c'est du solide, assurément, et du massif, comme le veut la tendance actuelle aux montre survitaminées.

L'étanchéité des deux couronnes est assurée par un nouveau système à clef. Un demi tour de la dite clef bloque la couronne qui vient alors comprimer un joint d'étanchéité (pas de pression sur l'axe central lors de la manipulation de la couronne). Le mécanisme de compression est logé à l'intérieur du boîtier, à l'abri du sable et de la poussière.

Nouveau boîtier, nouvelles couronnes, mais toujours le calibre 918... Qui, paradoxe intéressant, paraît minuscule en regard de la bête.

Attention mesdames et messieurs, ce nouveau boîtier, dessiné par Magali Métrailler, qui ne renie pas ses influences italiennes, va se décliner dans une nouvelle série de JLC Master "Maousses" qui vise directement le marché des montres sportives de grandes tailles (suivez mon regard).

En dehors de ces deux nouveautés, on remarque que la Grande Memovox en or gris se pare désormais d'un nouveau cadran "ruthénium" avec un cadran clair pour la petite seconde des plus élégants.
Idem pour la master moon or gris ci-dessous (au premier plan), à laquelle ma photo ne rend pas l'hommage mérité (elle est vraiment superbe !)

Quant à la master ultra thin, elle continue de se décliner en version femme avec un bracelet rose...
Côté Reverso, une nouvelle duoface dans la série grand sport (après le modèle dame présenté l'an dernier), avec date. Et une duoface dame avec incrustations de brillants côté nuit, dans l'esprit de la duetto.

Vu également cette magnifique Atmos Régulateur, qui ferait très bien sur ma cheminée.









L'atmosphère paraît plutôt sereine chez JLC, d'autant que c'est l'ancien patron de la manufacture (Belmont) qui dirige maintenant les 7 marques du groupe Richemont, et qu'il est bien placé pour défendre la spécificité de JLC (qui ne devrait pas augmenter ses ventes de mouvements vers l'extérieur mais se concentrer sur ses propres productions), qui compte désormais s'appuyer sur l'infrastructure de distribution de Richemont pour se développer sur de nouveaux marchés.
 
 

Passage chez Vacheron Constantin, ou je suis reçu par M. Di Martino.
Beaucoup de très belles choses (mais assez peu de temps pour les voir, car les rendez-vous se succèdent à un rythme effréné). Et pour commencer, un magnifique quantième rétrograde édité à 247 exemplaires.

Une équation du temps squelette (photo prise par Alberto)









La toujours très élégante réserve de marche, sur base JLC, qui s'offre un nouveau cadran guilloché absolument magnifique.









Et, même si ce n'est pas une nouveauté, le tourbillon (rdm, date) développé par Vacheron, qui se décline aussi en version squelette (tellement impressionnant que j'en ai raté ma photo).

Vu également, une répétition minute sur la base d'un calibre de poche Vacheron (mais là aussi, pas de photo)

Vacheron Constantin aura 250 ans en 2004. L'ambition est désormais que tous les modèles soient conçus et réalisés par VC, qui va lancer, à cet effet, la construction d'une nouvelle manufacture.
Le (petit) calibre 1400, que l'on trouve déjà sur la très belle Malte Classique (avec ses attaches en éventail), devrait bientôt servir de moteur aux plateaux de complication développé par Vacheron.
 
 

Juste le temps de boire un café avant de retrouver Arnd Einhorn sur le stand Lange & Söhne.


 
 

La grande nouveauté de l'année chez Lange, c'est bien sûr la Lange 1 phases de lune.

Comme c'est l'usage chez Lange, la petite (enfin petite, elle a le même diamètre que la L1, 39mm, et elle est plus épaisse de 0,4mm) dernière se décline en trois versions, or jaune, or rose, platine.


la version or rose

Si je ne suis pas tout à fait convaincu par les nouvelles aiguilles et par le dessin du cadran, je dois dire que la version platine est vraiment très belle (l'équilibre du cadran est beaucoup plus réussi que celui de la version or) et j'ai eu le plus grand mal à la retirer de mon poignet :-).


la version platine








Le mécanisme de phase de lune de la L1 est relié directement à la roue des heures, ce qui donne un mouvement constant au disque de la lune.

Autre nouveauté de l'année, et pour rester dans la tendance XXL, une nouvelle Arkade bodybuildée... et unisexe...










Les gens de Lange paraissent s'accommoder fort bien du passage de Bâle à Genève. Ils y trouvent une atmosphère plus détendue (moi aussi), propice aux rendez-vous individuels plutôt qu'aux grandes présentations.
On sent un certain optimisme, malgré tous les événements qui se sont succédés l'année dernière : rachat par Richemont, décès soudain de M. Bluemlein, départ du patron, F. Müller, remplacé par Hartmut Knothe, ancien responsable de la production...
Aujourd'hui Lange compte bien garder son indépendance et sa spécificité au sein du groupe Richemont, dont il ne compte utiliser ni le marketing, ni le réseau de distribution, préférant garder le contrôle d'un petit réseau de 64 distributeurs de par le monde. La demande reste forte et Lange aura bientôt six revendeurs supplémentaires aux USA (et un au Bénélux).

Et la production ?
L'objectif est d'augmenter la qualité et pas la quantité (qui reste en dessous de six mille montres par an), pour préserver la toute jeune réputation de Lange. On attend bien sûr de nouvelles complications -sur la base de la Lange 1- mais les retards pris sur la livraison du Quantième Perpétuel (annoncé à Bâle en 2001 et qui ne sera livré en Europe qu'en Juin, après de multiples retards que Lange impute à ses fournisseurs) incitent mon interlocuteur à la prudence...
 
 
 

Petite balade dans le salon histoire de se dégourdir un peu les jambes.
Chez Dunhill on la joue franchement automobile...


Attention les yeux...
 

Chez Montblanc, pléthore de chronos sur base 7750 (en acier comme en or), mais aussi une série de montres plus sobres, et beaucoup moins chères, qui sont plutôt élégantes (enfin, disons, plus élégante).









Chez Cartier, on décline la nouvelle Roadster sous toutes ses formes (ici la version or jaune)









Mais les vrais trésors sont à chercher, comme toujours, au sein de la très exclusive (et inabordable)  "collection privée".
Et d'abord, cette très belle montre à deux fuseaux horaires avec son mouvement de forme.


Le mouvement 9901 MC / remarquez la raquetterie en forme de "C"









Ou la Pasha Tourbillon :









Une heure sautante à mouvement de forme :









Une tortue en or rose (vraiment très impressionnante) :









Et enfin, la divan, tendance extra-large (non la photo n'est pas compressée !) :









Cette fois c'est bon, mes yeux sont saturés de montres et j'ai mal aux pieds. Je retrouve Christophe Golay et Emile Spierer (bien connu des lecteurs du Forum) pour un excellent dîner italien à Carouge.

Golay & Spierer, deux ingénieurs passionnés d'horlogerie, ont créé il y a un an une société qui fabrique des montres sur commande, des exemplaires uniques réalisés "sur mesure" à partir d'une boîte ronde de leur conception qui sert de plate-forme à toutes leurs créations.


Golay, c'est celui qui sourit. Spierer c'est celui qui sourit aussi.

Cadran, aiguilles, mouvement (ah, les petits Universal à micro-rotor), décoration, lunette, complications, le choix est immense, mais une maquette animée en 3D permet aux amateurs de sérier leurs choix et de construire pas par pas la montre de leurs rêves.


Un cadran guilloché aperçu au milieu de bien d'autres
 
 


vaste choix de bracelets, dont cet étonnant bracelet en peau de saumon !!! (en jaune)

Golay et Spierer se sont progressivement constitués un réseau de fournisseurs capable de produire un cadran ou une paire d'aiguille à l'unité, comme de refinir des mouvements anciens ou réaliser des complications originales (j'ai aperçu une équation du temps tout à fait inédite). Et je me prends à rêver d'une montre unique... qui me ressemblerait peut-être un peu...
 
 

FIN DE LA PREMIERE JOURNEE
 
 

VERS LA DEUXIEME JOURNEE