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Rendre à Rolex ...
Petite histoire des innovations de ma marque


écrit par crebillon le 13 Janvier 2006


Pour ceux que ça intéresse.

Au début du siècle, l'idée de porter le temps à bout de bras est une idée neuve. Précision, étanchéité et qualité du mouvement : la Rolex déloge la montre de son gousset et marque les heures du siècle comme aucune autre marque ne l'a fait.

Au tournant de ce siècle, l'idée de porter le temps à bout de bras gauche était encore une idée neuve. L'histoire retient comme une première la commande, en 1904 et à Cartier, par l'aviateur brésilien Santos-Dumont, d'une montre pouvant se porter au poignet, simplifiant le pilotage. Hans Wilsdorf, un jeune Bavarois établi à Londres et dont toute la vie devait montrer le mélange d'imagination technique et d'intuition sociologique dont font preuve les grands entrepreneurs, fait très vite un pari qui prête à sourire : la montre de gousset vit ses dernières heures. Ce premier mouvement donné, et le nom Rolex inventé parce qu'il roule bien en toute langue, la suite s'enchaîne avec une logique implacable.

Première conquête : la précision. Parce que celle de beaucoup de montres alors produites est problématique, le jugement des organismes officiels est encore doté d'un grand prestige. Surtout celui de l'observatoire de Kew, GB, qui donne pour la première fois, en 1914, son satisfecit à une montre-bracelet - et c'est déjà une Rolex.

Deuxième conquête : l'étanchéité. Portée à l'air libre et non plus en poche, une montre subit l'agression de l'air, de l'humidité, des poussières. Wilsdorf sort en 1926 le premier boîtier strictement imperméable, qu'il baptise Oyster (huître", en anglais) et qui est aujourd'hui encore l'emblème de la marque.

Troisième conquête : l'automatisme. Parce que cette prothèse améliorée ne quitte plus le bras de son propriétaire, et surtout parce que la petite molette qu'on fait rouler entre le pouce et l'index est l'ennemi d'une bonne étanchéité, il ne lui reste plus qu'à se dispenser du remontage manuel. Rolex invente en 1931 le premier mécanisme qui y parvient efficacement, grâce à un rotor "perpétuel" qui surclasse les quelques systèmes qui existaient alors (et dont s'inspirent tous les mécanismes automatiques produits depuis lors). A cela, il faut ajouter quelques autres trouvailles : le bracelet Inox, costaud et hygiénique, le dateur (et la fameuse petite bulle-loupe à l'emplacement de 3 heures).
Mais l'inventivité de Wilsdorf couvrait le faire-savoir autant que le savoir-faire. Pour lancer son boîtier Oyster, il a l'idée de l'accrocher au poignet de Mercedes Gleitze, une des premières femmes qui ait traversé la Manche à la nage. Wilsdorf s'offre une publicité en première page du Daily Mail pour le faire savoir et il suggère à ses diffuseurs de présenter la Rolex en vitrine dans un aquarium en compagnie de poissons rouges… Simple esbroufe publicitaire ? Pas vraiment : Rolex collait ainsi à des mouvements tectoniques du siècle - outre le goût de la technique, celui de l'exploit sportif, mais aussi la féminisation (en fait, les femmes ont été des alliées de la montre-bracelet, contre le machisme exclusif de la montre de gousset).

Autre coup fameux de Wilsdorf : l'une de ses montres est fixée au bathyscaphe d'Auguste Picard, le célèbre inventeur suisse, et navigue avec lui au fond de la fosse des Mariannes, à presque 11 000 mètres sous la surface (le record tient toujours). Ce n'est pas qu'un exploit gratuit : dès 1953, Rolex produit un modèle étanche à 100 mètres de profondeur, et son catalogue comporte aujourd'hui une montre garantie étanche à - 1 220 mètres !

A l'inverse de l'aspect m'as-tu-vu et de la connotation nouveau riche que certains lui attribuent, une montre Rolex est un concentré d'inventions pionnières, l'enfant légitime des amours assidues des temps modernes et de la technique. C'est en tout cas comme cela que la société genevoise veut parler, et faire parler, d'elle-même. Elle cultive volontiers un purisme technicien qui, sans aller jusqu'à dénigrer les confrères du Gotha horloger, ne reconnaît que du bout des lèvres les qualités proprement horlogères de quelques-uns d'entre eux. La plupart des grandes firmes genevoises, sous-entend-on, relèveraient de la joaillerie, voire de la mode, alors que chez Rolex, même pour une montre incrustée de plus de pierres précieuses que n'en contient le coffre d'un bijoutier de province, la vraie richesse est une richesse intérieure. Le catalogue propose d'ailleurs certains modèles en version platine, métal qui, au moins pour le profane, imite fort bien l'acier Inox… même si l'article en question est dix fois plus coûteux. Et la publicité de la marque trace depuis des décennies le même sillon, loin de tout tapage, en associant son image avec celle de personnalités exceptionnelles (et consensuelles), de Karajan à Tiger Woods. …

Une Rolex paraît immuable - c'est même un des ses premiers arguments de vente. En fait, les améliorations, acceptées avec une réticence plus que conservatrice, ne manquent pas mais restent, pour l'essentiel, invisibles : qui saura que les spécifications de l'acier (une des rares choses que Rolex ne produise pas lui-même, avec le verre rubis brut) sont plus exigeantes, que les lubrifiants ont gagné en efficacité ? De même, la société ne sort de nouveaux modèles qu'au compte-gouttes, et ceux-ci ne sont en réalité que des variations sur quelques grands types établis depuis des décennies. Cette obstination s'est révélée fructueuse, l'entreprise lui devant l'essentiel de sa prospérité actuelle.



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